Mohamed Daou est avocat chez JFC Avocats, Doctorant en droit des affaires

En 2016, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), institution financière des pays membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, a amorcé une nouvelle politique dite « stratégie régionale d’inclusion financière » dans les pays membres de cette union. 3 ans après, quel en est le bilan ?

A travers ce programme initié sur 5 axes majeurs (promotion d’un cadre règlementaire, renforcement du secteur de la microfinance, promotion d’innovations en matière d’inclusion financière, protection des clients de services financiers, mise en place d’un cadre fiscal favorable à l’inclusion financière), l’institution s’est fixée comme objectif de « permettre l’accès d’au moins 75% des populations vulnérables à un certain nombre de services financiers de base et ce, sur une période de 5 ans ».

Quelle dynamique observons-nous sur les investissements réalisés 3 ans après le lancement de ce programme ?

Même si le bilan semble relativement modeste, notamment du point du vue des chiffres, la dynamique de progression reste fortement appréciée.

En effet, si l’on se réfère aux chiffres officiels de la BCEAO, « en 2017 le taux de bancarisation au sens large, incluant les systèmes financiers décentralisés, a atteint 34,5% contre 16,6% en 2007 ».

Ainsi la marge de progression constatée avec ces chiffres, devrait naturellement mettre la puce à l’oreille des investisseurs dans le secteur de la finance (banques, établissements de microfinance, sociétés de ventes et de prestations en systèmes et moyens de paiements, etc…).

Un marché à gros potentiel émerge car non seulement la population des 8 États de l’UEMOA est en forte croissance (120 millions d’habitants selon les derniers chiffres officiels – pour un taux de croissance du PIB à prix constant de 6,7% en 2017), mais surtout les services financiers qui y sont exploités sont aussi divers que variés.

La banque digitale avec le Mobile Banking : innovation incontournable et accélératrice en matière d’inclusion financière

L’arrivée de la banque digitale à travers la téléphonie mobile a été une grande révolution dans la majorité des pays africains. L’espace UEMOA n’en reste pas moins particulièrement à la marge car il s’agit bien évidemment d’un nouveau service qui s’adapte parfaitement aux objectifs fixés dans les différentes politiques nationales d’inclusion financière des États.

En effet, l’un des axes majeurs de la stratégie régionale d’inclusion financière de l’UEMOA est celui de la « promotion des innovations favorables à l’inclusion financière des populations exclues », comme par exemple les hommes et femmes vivant dans les zones rurales (axe 3 de la stratégie régionale). Il s’agit de s’assurer que ces populations, qui sont bien souvent difficiles d’accès, ont un accès simple aux services financiers et la téléphonie mobile offre des solutions pratiques à cet égard. D’autre part, ces services permettront progressivement d’insérer plus ou moins les petits commerçants dans un cadre structuré, sachant que l’économie de la plupart des pays de la sous-région repose sur l’informel.

D’après les derniers chiffres de la Global Findex (rapport de la banque mondiale consacré au mobile money et l’inclusion financière), publié le 19 avril 2018, « le pourcentage d’individus de plus de 15 ans titulaires d’un compte de paiement en Afrique subsaharienne, est passé de 23% en 2011 à 43% en 2017 ».

Il s’agit bien évidemment d’une nette progression, rendue possible par l’implication des États dans la mise en place de cadres légaux et règlementaires appropriés, destinés à renforcer la protection des clients des services financiers (axe 4 de la stratégie régionale), mais surtout à attirer plus d’acteurs privés en terme d’investissement, en leur offrant notamment un cadre fiscal clarifié, homogène et incitatif en matière d’inclusion financière (axe 5 de la stratégie régionale).

Les nouveaux leviers d’accès aux services financiers de base

Ces nouveaux outils, gages d’une inclusion financière accélérée, font de plus en plus leur preuve dans l’espace UEMOA, conformément aux diverses recommandations des institutions financières internationales, telle que la Banque mondiale. En effet, sont régulièrement encouragés tous investissements dans le domaine des SFD (services financiers décentralisés tels que les institutions de microfinance , les coopératives financières), les réseaux postaux ou même les sociétés de cartes de crédit.

Le cas de la microfinance est plus symptomatique de l’accès accru des populations exclues aux services financiers, leur permettant en même temps un accès au crédit.

La promotion de ces établissements est circonscrite à travers les progrès réalisés, car selon un rapport de la commission de l’UEMOA, les ressources mobilisées par les services financiers décentralisés en 2016 sont de l’ordre de 1 003,2 milliards de F.CFA, soit une progression de 14% par rapport à l’année 2015.

En parallèle, on note une augmentation considérable du nombre d’établissements de microfinance (702 établissements en 2016 au sein de l’UEMOA, selon les chiffres avancés par la Banque centrale, le nombre étant en constante augmentation).

Force est de constater qu’un nombre croissant d’investisseurs privés s’intéressent à ces services qui se développent. Il s’agit essentiellement de structures de gestion de fonds spécialisées en Europe et en Amérique du nord, de fondations ou de banques de développement évoluant dans les investissements d’impact.

Quant aux autres acteurs privés, tels que les sociétés postales ou les sociétés de cartes de crédit, l’engouement est également de taille car les institutions financières de la zone UEMOA en ont fait une priorité dans le cadre de l’axe 3 de la stratégie régionale, à savoir la promotion des innovations.

Un exemple récent en témoigne au Mali avec un partenariat établi entre la Poste malienne et la toute nouvelle banque de la place UBA-Mali (United Bank for Africa) le 5 février 2019. Il s’agit de la signature d’une convention de commercialisation sur le marché de cartes bancaires prépayées, rechargeables dans les bureaux de poste et « qui ont l’avantage d’être un moyen de paiement sans contrainte, sans compte bancaire et sans engagement ».